
Je pense que c’est important de se poser les bonnes questions avant de se lancer. Pour moi, ça n’a aucun intérêt de créer une boutique de patrons si ça veut dire mettre de côté mes valeurs ou créer un business de plus qui n’apporte pas grand chose.
J’ai des engagements écologiques et éthiques de plus en plus marqués et une dent contre les magnats de la fast-fashion. C’est l’une des industries les plus polluantes, le plus à même d’entretenir l’esclavagisme moderne, le travail des enfants, l’empoisonnement des sols, l’utilisation de produits chimiques toxiques… Et quand je vois à quel point il faut faire des pieds et des mains pour que cette industrie daigne être « transparente » sur le sujet, ça me motive encore plus à les rejeter. D’autant plus quand ces mastodontes se permettent de signer des chartes et des promesses environnementales mais derrière sont encore obligés d’être rappelés à l’ordre pour rémunérer (au strict minimum) leurs couturières au Bangladesh, même en temps de crise sanitaire.
C’est pourquoi je fais mes fringues moi-même. Tant que le respect des droits Humains n’est pas la norme et l’utilisation de tissus en fibres naturelles et/ou certifiés généralisé dans l’industrie textile… Je fais mieux de voguer solo. C’est parfois très difficile et long, mais c’est mon choix personnel et il n’engage que moi. Évidemment, c’est assez radical, je ne juge en rien ceux⸱celles qui ne partagent pas ces convictions. Certain⸱e⸱s n’ont pas le luxe de choisir ce qu’ils⸱elles peuvent porter (faute de budget, faute de temps…), j’en ai longtemps fait partie par le passé et c’est ok, aucune culpabilisation. C’est juste que si j’ai les moyens, les ressources et la motivation pour le faire à titre perso, alors je peux me fixer cet objectif.
Et les autres alternatives, alors ?
Il en existe d’autres, heureusement et tout n’est pas à jeter. On fait l’état des lieux ?
La fripe : grande fan, j’adore chiner, j’adore trouver une pièce unique et surtout l’idée que je n’alimente pas un système où le neuf n’est porté que 4 fois avant d’être viré du dressing. Sauf que… je fais partie de ceux⸱celles qui pensent que les pièces de la fast-fashion vont envahir la fripe inexorablement. Ça n’engage que moi, mais je pense que les fringues des années 80-90′ qui correspondaient à cahier des charges de qualité basé sur la longévité du vêtement vont devenir des espèces en voie d’extinction. Et même si je vais continuer de soutenir les fripes au maximum… je suis à la recherche d’une alternative complètement durable.
La location de vêtement : c’est smart comme solution. Au final, les gens ne veulent plus vraiment posséder les vêtements mais surtout en avoir l’usufruit, pour changer, re-changer et re-re-changer, pas vrai ? Malheureusement, je ne m’y retrouve pas, parce que c’est compliqué d’uniquement s’habiller chez une seule marque et je ne mets pas toujours autant d’argent tous les mois dans mon dressing. C’est un genre d’abonnement et d’engagement à la fashion que je suis pas prête à accepter.

L’upcycling ou utilisation des chutes : qui mérite toutes les louanges. Je trouve ça fantastique et les marques qui upcyclent pour créer de nouvelles pièces sont celles que je suis de très très près. La seule chose que je dirai : c’est qu’il faut bien regarder à partir de quelle matière ces marques upcyclent. Exemple : upcycler avec du jean, c’est une belle matière, c’est qualitatif… Upcycler à partir d’un ancien polyester et revendre ça 150 euros, ça reste un peu malhonnête par rapport à la qualité/prix. Restez vigilant⸱e⸱s 😉

Les deadstocks des marques : c’est controversé.
J’ai fait beaucoup de recherches à ce sujet (hésitez pas à me demander mes sources, si ça vous intéresse), là 3 options :
1/ le worst scénario : c’est le stock de tissu déclaré non-viable pour la collection d’une marque parce que sa qualité n’était pas à la hauteur, ses composants chimiques ne sont pas passés, les défauts sont multiples ou visibles. Est-ce que vous voulez vraiment leur acheter ça ?
2/ le scénario qui se mord la queue : le deadstock, si il existe, c’est que la marque a mal évalué ses quantités à l’origine ou décidé de sur-produire. Si une marque possède un modèle vertueux ou même l’envie d’être plus responsable, dans ce cas… elle ne devrait même pas se retrouver avec du deadstock. Simple. Basique. Non ?
3/ le scénario presque innocent : l’industrie où le deadstock se forme malgré eux ? La maroquinerie. Les peaux varient de qualité et de défauts, aucun moyen de le contrôler. Mais pour rappel, ce n’est pas cruelty-free le cuir…

Les petit⸱e⸱s créateur⸱trice⸱s : il existe des marques made in france, sourcées avec des tissus certifiés écocerts ou GOTS, cousus dans des ateliers vérifiés au Portugal ou en Europe. Et vous avez + que raison de les soutenir. Le seul souci à mon sens ? Sans vouloir casser l’ambiance… C’est qu’aussi vertueuses soient leur intentions, ces entreprises sont soumises au système de la croissance voir hyper-croissance (oui, je sors les grands mots). Aujourd’hui quand vous lancez une boîte de fringues, motiver vos investisseurs en parlant de décroissance faire moins, mieux, acheter moins, mieux et plus durable… ça a du mal à convaincre, alors soit vous trouvez des business angel qui claquent des thunes pour votre projet parce que se sont des bonnes personnes soit… in fine ils⸱elles vous demanderont de faire un trait sur vos valeurs quand vos commandes et la demande vont augmenter. J’essaye donc plutôt privilégier les marques qui passent par un financement collaboratif, qui proposent à leurs clients de devenir actionnaires (voilà, c’était la minute Wall Street) ou tout simplement qui s’occupe eux-même entièrement de la chaine de création et production de leur vêtement de manière artisanale (aka mes amis les couturier⸱e⸱s). Ces créateur⸱trice⸱s méritent tout votre soutien.
Et pourquoi ne pas se tourner vers des marques du prêt-à-porter plus haut de gamme et qui proposent des vêtements certifiés GOTS, oeko-tex standard 100, quitte à payer un peu plus cher ? Vous avez raison de vous tourner vers ces enseignes, mais ce n’est pas pour toutes les bourses. Et le problème, c’est surtout qu’aujourd’hui ces vêtements sont proposés sous forme de « capsule », avec uniquement une série de denim GOTS ou proposant 1 forme de t-shirt classique, un gilet à boutons ou un marcel tout au plus. Le choix reste donc limité en termes d’habillement, mais c’est déjà ça ! Attention cependant aux mauvaises intentions, certain⸱e⸱s peuvent utiliser ces « capsules » pour s’autoproclamer éco-responsable et éthique alors que ce n’est qu’une petite minorité de leurs produits qui le sont réellement. Gardez l’oeil !

Tout ça pour dire, j’en ai tiré une conclusion : l’alternative qui me paraît cohérente de proposer, avec laquelle je suis plus en accord et que je peux entreprendre à mon niveau.. Ce n’est pas de faire acheter le vêtement, mais de faire faire.
Ça donne l’opportunité au⸱ à la client⸱e de faire ses choix en toute conscience, de sourcer son propre tissu avec transparence, de payer le prix juste, n’exploiter personne dans le processus de production, lui faire prendre le temps de créer une pièce qu’il⸱elle aura a coeur de garder plus longtemps ou de transmettre et encourager les client⸱e⸱s à se tourner vers la décroissance, c’est à dire le retour au savoir-faire. Ça demande bien plus d’efforts que de faire du lèche-vitrine, surtout quand on part de zéro en couture. Mais, vous pourriez bien vous découvrir une passion dans cette démarche !
